Être parent et affronter le maelström

Par Jen Ambal

Quand mon mari m’envoie un message texte au sujet de nos enfants, il le termine toujours avec un émoji de tornade. Au début, je trouvais cela hilarant, mais j’en suis rapidement venue à penser que c’était réellement une fidèle représentation de notre petite famille.

Nous avons longtemps attendu avant de devenir parents :

Onze ans d’infertilité.

Un an pour accomplir l’étude de notre milieu familial et la formation PRIDE.

4 ans avant de trouver nos enfants.

C’était lors d’une petite conférence sur l’échange des ressources en matière d’adoption, à laquelle je ne voulais même pas assister, que nous les avons trouvés. Nos enfants. Ils étaient les deux dernières pages du cartable et dès que j’ai vu leurs visages, j’ai su qu’ils étaient destinés à devenir nôtres.

Quelques mois passent et nous recevons la requête de consultation de notre étude de milieu familial. Puis, de nouveau de l’attente, alors que la Société d’aide à l’enfance située dans la région où habitaient nos futurs enfants déclenchait une grève. Et enfin, par un merveilleux après-midi de mai, nous avons appris que nous étions finalement choisis.

Dire que la période de visite a été un tourbillon serait un euphémisme. Mon mari et moi sommes tous deux professeurs, alors les deux derniers mois de l’année scolaire donnent souvent l’impression d’être une course vers la ligne d’arrivée. Ajouter à cela de préparer la maison pour l’arrivée de deux enfants, plusieurs aller-retour dans une ville située à une heure de la nôtre et essayer de naviguer l’éventail d’émotions qui vient avec le fait d’être soudainement parents… Bref, pas besoin de vous faire un dessin.

Notre famille a eu la chance d’avoir un été complet pour former des liens. Nous avons eu un bon départ. Mais, dès que l’école a commencé, nous avons rapidement constaté que nous n’étions pas pleinement préparés à agir à titre de parents pour deux enfants avec des antécédents de traumatismes.

Les crises de colère de notre fille ont été sans relâche pendant les six premiers mois d’école. Simplement repenser à tous ces pleurs et hurlements me fait toujours autant chavirer le cœur. Notre fils, qui avait huit ans à l’époque, avait reçu beaucoup de suivi psychologique pré-adoption, en raison de ses comportements extrêmes dans sa famille d’accueil. Mais puisque notre fille était très loquace, les travailleurs sociaux ont pensé qu’un tel suivi n’était pas nécessaire pour elle. Avec autant de sentiments à fleur de peau, elle n’était pas prête à faire la transition vers un foyer permanent, nous nous sommes donc retrouvés avec une petite fille en deuil profond. Comme elle n’arrivait pas à verbaliser, elle se contentait de crier.

Les six premiers mois qui ont suivi l’adoption ont été très sombres pour moi. J’ai découvert que je souffrais d’une dépression post-adoption et mon anxiété a atteint des sommets inégalés. Par égard pour les enfants, j’ai fait de mon mieux pour essayer de tout garder sous contrôle, mais c’était tellement difficile. J’ai eu la chance de tomber sur des organisations comme Adopt4Life et Adoption Council of Ontario qui m’ont aidé à venir à bout de tous les nouveaux problèmes que nous avons dû affronter en tant que nouvelle famille.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que mes 35 semaines de congé parental sont passées à la vitesse de l’éclair. Lorsque mon retour au travail est devenu imminent, les colères de ma fille se sont intensifiées, de même que mon anxiété. Même avec le soutien de notre groupe de thérapeutes et de travailleurs sociaux, de notre église, de notre famille et de nos amis, retourner enseigner a été l’une des choses les plus difficiles que j’ai jamais dû accomplir.

Devenir une famille avec deux enfants ayant un passé tumultueux a été une tâche de bien plus de 35 semaines. Savoir que mon congé parental tirait à sa fin alors que tout semblait encore tellement nouveau était un stress supplémentaire dans une situation déjà très difficile. 35 semaines, ce n’était pas assez de temps pour guérir proprement les blessures de nos enfants, sans causer davantage de blessures en retournant au travail et déclencher leur peur de l’abandon. Avec du recul, je suis convaincue que d’avoir eu le même congé parental que celui accordé aux parents non adoptifs, les 52 semaines complètes, nous aurait permis de faire plus de progrès au niveau des besoins d’attachement de nos enfants.

J’ai espoir que, grâce au travail de revendication effectué par la communauté de l’adoption, les pouvoirs en place réaliseront l’importance de prolonger le congé parental des parents adoptifs pour atteindre une année complète. Nos enfants nous arrivent avec un tel cortège de problèmes. Si nous avions davantage de temps à leur consacrer, non seulement pour créer des liens d’attachement, mais aussi pour leur processus de guérison, cela donnerait à nos familles des fondations bien plus solides.

Pour avoir vécu à quel point 35 semaines passent vite quand on essaie d’établir un foyer pour deux enfants ayant subi des traumatismes, je pense que reconnaître les besoins des familles adoptives n’est pas seulement une question d’équité, c’est indispensable!


Les opinions exprimées dans les articles publiés sur ce blogue sont celles de leurs auteurs et ne reflètent pas la position officielle d’Adopt4Life. Nous respectons la diversité d’opinion au sein du milieu de l’adoption et espérons que ces articles susciteront des échanges constructifs. Notre campagne #DuTempsPourSAttacher sepoursuit avec comme objectif d’adapter la politique gouvernementale afin d’introduire un congé parental de 15 semaines (un congé d’attachement) pour les parents adoptifs, les parents proches qui ont obtenu la garde d’un enfant et les dispensateurs de soins traditionnels. En collaboration avec l’Université Western et leConseil d’adoption du Canada, nous avons œuvré afin de susciter une prise de conscience vis-à-vis de cette mesure de soutien majeure requise pour les familles etles enfants. En ce sens, il est primordial de continuer le partage de témoignages de parents et enfants relatifs à cette période cruciale pendant laquelle ils cherchent à former des liens sains et durables. Découvrez comment partager votre histoire.

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